Le Pays basque, locomotive industrielle d’une Espagne fragile

Dans son usine d’Elgoibar, au coeur du Pays basque, Pello Rodriguez s’arrête devant une imposante machine-outil, spécialité de cette région prospère au tissu industriel solide, moteur d’une économie espagnole qui commence à ralentir.

 

A ses pieds, des caisses marquées de caractères chinois contiennent des axes de roues de trains. Son client les lui a envoyés pour tester une machine qui devra ajuster avec précision ces lourdes pièces de métal, une fois installée dans une usine en Chine.

Coût total de la fabrication: plus d’un million d’euros.

Pello Rodriguez est le directeur général de Danobatgroup, numéro un espagnol des machines-outils, complexes appareils voués à produire à la chaîne des pièces précises pour d’autres industriels.

Avec ses 1.300 employés et 261 millions d’euros de chiffre d’affaires, cette filiale du conglomérat coopératif Mondragon est l’un des fleurons de l’industrie du Pays basque.

Tandis que le chômage, de 14,45%, est la première préoccupation des Espagnols qui retournent aux urnes le 28 avril pour des législatives incertaines, cette région septentrionale, jadis minée par les attentats des séparatistes de l’ETA, affiche le plus faible taux de chômage d’Espagne: 9,58%.

 

Notamment grâce à un tissu industriel très développé, qui pèse près du quart du PIB régional, contre 14% pour l’Espagne, avec des champions des composants automobiles, des énergies renouvelables et des machines-outils.

La recette: comme en Allemagne, des entreprises hyper-spécialisées et tournées vers l’extérieur.

Regarder à l’étranger

Elgoibar, petite ville de 11.600 habitants nichée dans une vallée verdoyante, est un condensé de cette économie en pleine santé. Le savoir-faire y est si implanté qu’il y a même un musée de la machine-outil, racontant des siècles d’industrie.

Danobatgroup est le seul à fournir à des fabricants de quoi produire certaines pièces, et à des clients dans l’industrie automobile, aéronautique, ferroviaire, pétrolière ou de l’énergie.

«Nous cherchons des créneaux qui dressent des barrières à l’entrée pour les concurrents, explique Pello Rodriguez. Ni assez larges pour attirer la concurrence des Japonais, ni trop étroits pour qu’on n’en fasse que quelques exemplaires.»

C’est pourquoi il s’inquiète peu de l’instabilité politique de l’Espagne, qui pourrait se poursuivre à l’issue des élections, et de son impact sur la croissance. Le gouvernement prévoit 2,2% cette année contre 2,6% l’an dernier et 3% en 2017.

«Nous exportons plus de 90% (de notre production), nous sommes bien plus préoccupés par le Brexit, par le fait que la Chine redémarre ou non, par ce que va faire l’automobile, s’ils passent à la voiture électrique», assure-t-il.

Le secteur espagnol comprenant les machines-outils, implanté presque entièrement au Pays basque, a produit l’an dernier pour 1,73 milliard d’euros de chiffre d’affaires, dont près de trois quarts destinés à l’exportation, selon les chiffres de l’association AFM de professionnels du secteur.

«Pratiquement tout ce qui se fait ici va à l’étranger», se félicite aussi Agustin Anitua, directeur commercial du groupe Lanbi qui fabrique des machines de montage pour rotules de direction et de suspension pour voitures et fournit le constructeur français Renault.

Ecosystème

Grâce à un écosystème bien implanté, Lanbi peut sous-traiter une partie de son activité à la pléthore de fournisseurs locaux de composants et outils.

«90% de nos fournisseurs sont ici, dans la vallée. Nous ramenons beaucoup d’argent de l’étranger et nous l’investissons ici», se félicite Agustin Anitua.

Son chiffre d’affaires a, dit-il, doublé en cinq ans, grâce à une spécialisation et à une robotisation de plus en plus poussée, bien qu’il dise «noter une décélération» chez ses clients, en phase avec le ralentissement de l’économie mondiale.

L’organisation, très en vogue au Pays basque, en «clusters» (groupements d’entreprises par secteurs) lui permet d’innover en testant ses machines dans un centre technologique tout proche, ce que cette PME de 60 employés ne pourrait se permettre seule.

Sur les machines produites dans l’usine, les dimensions et typologie de chaque pièce peuvent être vérifiées en temps réel par des caméras de précision.

Un institut universitaire spécialisé dans la machine-outil à Elgoibar permet aussi d’assurer la formation des salariés aux technologies qui montent, comme la collecte et l’analyse de données.

«On peut développer des technologies tant qu’on veut, si on n’a pas de gens formés pour l’utiliser, on va avoir des problèmes», souligne le directeur de l’institut, Ixaka Egurbide.

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